Gravure à l’eau-forte – Partie 3 : aquatinte

Lors du précédent article consacré à l’eau-forte, j’avais expliqué le fonctionnement de base de cette technique, qui permet d’obtenir une gravure au trait suite à une ou plusieurs morsures dans le perchlorure de fer. Cependant, il existe nombre d’autres procédés à l’eau-forte produisant des résultats très différents ! Celui dont je souhaiterais parler aujourd’hui est donc l’aquatinte.

À l’inverse de l’eau-forte « au trait » déjà présentée en détail, l’aquatinte permet d’obtenir une apparence de lavis à peu près similaire à un travail à l’encre de Chine diluée ou à l’aquarelle. Au lieu de chercher à avoir des traits fins et nets, le but ici est de créer des à-plats, de la matière, sur la base d’une texture grainée qui évoque un peu une trame d’impression.

Il n’est pas chose aisée d’obtenir des à-plats en gravure sur métal, dont le principe même est de créer de fins sillons qui retiendront l’encre au moment de l’essuyage tandis que les grandes zones planes seront nettoyées. On ne peut donc pas creuser directement une large zone uniforme pour obtenir un fond sombre, celle-ci ne retiendra pas l’encre. Il faut « tricher » en donnant une illusion d’à-plat par une succession de petits points rapprochés. L’aquatinte, c’est donc recouvrir le cuivre d’une fine poudre de résine qui, une fois mordue dans l’acide, produira une surface irrégulière granuleuse. Il existe d’autres techniques qui permettent de travailler en trames, telles que la manière noire, où la plaque est grainée manuellement et non par le biais d’un acide. Mais nous allons nous concentrer sur l’aquatinte avec des explications en photos qui seront plus claires, je l’espère, que la théorie seule !

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Les gravures suivantes ont été réalisées aux ateliers Moret, déjà mentionnés plusieurs fois puisque c’est là que j’ai fait imprimer mes eaux-fortes et mon travail sur bois. En effet, l’aquatinte nécessite beaucoup de matériel et de produits ce qui fait qu’elle est encore plus compliquée à réaliser chez soi que la technique de base de l’eau-forte.

Pour saupoudrer uniformément la résine sur toute la surface de la plaque, il faut tout d’abord une boîte à grain (encore qu’il soit possible de réaliser cette étape à la main). C’est une très grosse caisse de bois d’environ deux ou trois mètres de haut, munie d’une manivelle qui permet de projeter la résine (colophane) dans l’espace confiné de la boîte.

La plaque de cuivre est placée à l’intérieur de la boîte, et la résine va retomber en pluie et déposer une fine couche régulière à sa surface. Il faut alors la sortir précautionneusement ; un souffle d’air et tout s’envole.

Avant d’en arriver là, il est nécessaire de préparer sa plaque en la nettoyant (la résine n’adhérera pas bien sur des traces de doigt ou autre) et en posant éventuellement un vernis aux endroits où l’on ne souhaite pas avoir d’aquatinte. L’aquatinte peut en effet être réalisée sur une plaque vierge ou bien gravée au préalable par une autre méthode (à l’eau-forte sur les deux exemples ci-dessous). Dans le cas d’une gravure antérieure à l’eau-forte, le vernis a été retiré de même que le scotch protecteur au verso. On pose un nouveau vernis pour préserver les zones que l’on désire garder blanches à l’impression.

On place ensuite la plaque une dizaine de minutes dans la boîte à grain afin d’obtenir un grainage régulier. Si l’on désire un résultat avec plus de matière, des irrégularités avec des zones où le grain est plus épais, on peut ensuite saupoudrer de la résine à la main pour créer les effets voulus. À ce stade, donc, la résine est seulement posée à la surface et il faut la faire adhérer. Pour ce faire, on chauffe la plaque au chalumeau par en dessous. Lorsque la résine devient translucide, c’est qu’elle est fondue. Une fois refroidie, elle va désormais supporter d’être trempée dans un bain de perchlorure, après les mêmes préparatifs qu’une eau-forte au trait (protection du dos par du scotch).

Comme pour l’eau-forte au trait, du temps de morsure dépend l’intensité du noir obtenu, bien que pour l’aquatinte les temps dans l’acide sont bien plus courts. Il peut être bien de réaliser une ou deux petites plaques de test au préalable pour se faire une idée des résultats obtenus selon la durée. Pour obtenir des variations de teintes, on fait plusieurs morsures successives en recouvrant à chaque fois les parties que l’on souhaite garder plus claires d’un vernis. Ces étapes permettent de créer des dégradés, mais aussi des effets de gouttes ou de projections. On peut également réaliser des gravures exclusivement à l’aquatinte en dessinant au pinceau sur la plaque avec le vernis, en négatif. On obtiendra alors une gravure sans aucun trait, dans un style purement lavis.

Une fois toutes les morsures réalisées, il est temps de nettoyer la plaque des substances qui la recouvrent afin de pouvoir l’imprimer. On enlève tout d’abord le vernis protecteur au white spirit, puis les gouttes de résine à l’alcool à brûler (ce qui en fait encore une fois une technique tout à fait saine et facile à réaliser n’importe où ^^). Les plaques nettoyées présentent alors un aspect rongé très beau :

Vient alors l’étape de l’impression, déjà détaillée dans le précédent article. Ci-dessous, on voit donc deux des possibilités offertes par l’aquatinte : créer des textures et des à-plats sur une gravure au trait, ou bien réaliser un dessin entier avec un aspect d’aquarelle. Mais il existe une multitude d’autres usages !

Certaines des gravures utilisées ici comme exemples appartiennent à la même série sur les mythes tahitiens que l’eau-forte présentée dans les deux autres articles. Il y en aura cinq au total que je posterai peut-être prochainement, une fois tous les tirages réalisés !

À très bientôt,

Amaryan

6 réflexions sur « Gravure à l’eau-forte – Partie 3 : aquatinte »

    1. Merci beaucoup Aemarielle. ♥ C’est beaucoup d’étapes et il faut en voir l’utilité, sans parler de connaître la technique et d’être en mesure de la réaliser… mais le plaisir au moment de l’impression est inestimable ! ^_^

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